APML - Le Forum - Pêche à la Mouche et Leurre
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Message par Invité Lun 9 Mar 2009 - 7:29

Œil de truite

Au cours de notre voyage à travers le temps nous avons vécu l'évolution du matériel et la découverte, souvent empirique, des tropismes de la truite. Mais la science nous a entrouvert de nouvelles portes sur le monde secret des salmonidés. Ce que nos ancêtres présupposaient sur la vision et la perception des couleurs des salmonidés peuvent être aujourd'hui prouvés scientifiquement. L’évolution de la science et les progrès de la recherche font parti intégrantes de l’histoire de la pêche à la mouche et mériterait à eux seuls un livre entier.



Pendant près de deux mille ans, (peut être plus), nous avons poursuivit la truite avec des cannes, des soies, des fils, des crins, et des hameçons habillés de toutes les façons, épousant toutes les formes possibles. Pour une seule raison : tromper l’œil de la truite. Mais comment voit-elle ?

Là réside, en fait, toute la subtilité de la pêche à la mouche.



L’homme et certains de ses cousins primates possèdent une vue des plus diversifiées du monde animal, mais l’évolution a permis aux salmonidés de développer une manière de voir différente tout aussi riche et complexe.

Alfred Ronalds (1836) de son observatoire au ras de l’eau, a étudié les champs de vision de la truite. Pour la perception des couleurs, il préfère s'abstenir, mais conseille de choisir un matériel de montage se rapprochant des couleurs naturelles. Frédéric Halford (1910) doute que la truite puisse voir les couleurs, par acquis de conscience, il conseille d'imiter celles de l'insecte vivant. Plus près de nous Tony Burnand (1946) écrit : « Je suis convaincu du fait que sous deux lumières différentes, horizontale et dorée au couchant, verticale et blanche à midi, la même mouche apparaît au poisson très différente aussi; question de transparence, de chatoiement, peut être d’ombre portée. Comme nous ne savons pas comment la truite voit notre leurre, il nous est très difficile d’établir des règles, et force nous est de nous en tenir aux tâtonnements et d’exploiter le mieux possible le modèle qui, a telle heure déterminée et sous telle lumière, donne les meilleurs résultats »[sup][1][/sup].

L'œil de la truite doit faire face à trois handicaps que notre œil ne connaît pas . Son élément est liquide, et l'eau, même la plus limpide est un piètre conducteur de lumière. En perçant les fluides en profondeur, la lumière perds rapidement l'ensemble de ses spectres, le bleu étant le dernier à être perçu. La lentille des salmonidés est sphérique, ce qui ne lui permet pas une vision aussi précise que la notre. Certaines couleurs lui apparaissent comme estompées, comme observées à travers d’une lentille opaque. La vision de l’homme et des salmonidés pourraient être comparée à un appareil numérique de dix millions de pixels pour les premiers et de deux millions de pixels pour notre poisson. La truite perçoit certaines couleurs jusqu’à vingt fois moins bien qu'un être humain.

L'Œil des salmonidés est prévu pour une vision rapprochée, pour inspecter minutieusement et parfois très rapidement ce qu'elle a l'intention de transformer en repas. L'Homme possède une vue pour regarder loin, ce qui nous cause quelques problèmes car la vie moderne nous contraint à fixer sans cesse des objets rapprochés. L'écriture et la lecture fatiguent notre vue et nous obligent à porter des lunettes autour de notre cinquantième année.



Aujourd’hui, nous pouvons affirmer que la truites et tous ses cousins voient la plupart des couleurs. Les génies en blouse blanche nous l’affirment du fond de leurs laboratoires [2] : La rétine de la truite possède des bâtonnets et des cônes, en cela aucune différence avec nos propres yeux. Pour ceux qui n’ont pas souvenances de leurs cours de biologie, rappelons que les bâtonnets sont particulièrement sensibles aux contrastes et permettent une vision utilisant un minimum de sources lumineuses. Alors que les cônes permettent de différencier les couleurs. En ce sens la vision de la truite est très proche de celle de l’homme. Seule la disposition de ses cônes et bâtonnets différe de l’homme. Les bâtonnets sont plus nombreux chez la truite et contrairement à vous et moi, ils sont répartis sur toute la surface de l’œil. Chez l'homme les cônes se concentrent sur une petite surface de la rétine. La truite voit mieux que nous dans la pénombre, que ce soit dans les profondeurs aquatiques ou pour un coup du soir. Les cônes sont également répartis sur toute la surface de l’œil de la truite, avec une concentration plus prononcée sur la partie supérieure de la rétine, ce qui lui permet une vision particulièrement précise des objets qui se présentent aux dessus de son nez. Comme pendant le gobage. Ne nous étonnons pas si, parfois, un simple petit détail sur notre mouche peut provoquer son acceptation ou son refus.

L'Homme voit trois couleurs, le rouge, le vert et le bleu. Notre cerveau fabriquent ensuite toutes les autres à partir de ces trois fondamentales. La truite possède une vision tétra-chromatique composée de quatre récepteurs, le bleu-sombre, le vert, l'orange-rouge et les ultra violets. Elles feraient même la différence entre différents tons. Ce qui n’étonnera pas nos monteurs de mouches qui possèdent, déjà, des fils, perles et dubbing de toutes teintes sur leur table de montage. En revanche, comme beaucoup de poissons, elles ne verraient pas le bleu. Il suffit de regarder les boites à mouche des pêcheurs, très peu d’artificielles utilisent cette couleur. Mieux encore, observons la nature : Le martin-pêcheur possède de superbes plumes bleues, c’est d’ailleurs cette couleur qui domine lorsqu’il surgit comme une flèche devant notre nez. Le héron lui, a les pattes bleues car il s’avance lentement près de ses proies pour les surprendre. En revanche le Martinet blanc piétine les herbiers pour effrayer les poissons, les forcer à fuir pour les harponner au passage. Ses pattes sont d’un jaune vif que les poissons perçoivent parfaitement. Deux couleurs pour trois techniques de pêche bien différentes.



Les Ultra-violets

Plus surprenant encore, nos salmonidés sont très sensibles à la réflexion ou réfraction des ultra-violets ce qui explique les réactions d'attaques que suscitent les cuillères, les perles dorées, argentées ou cuivrées et justifie les fins tinsels qui enjolivent nos mouches. En fait, nos poissons moucheurs percevraient les vibrations lumineuses correspondants aux fréquences de la lumière. Des ondes imperceptibles pour l’homme. Au vu de ces données, nous comprenons mieux l'intérêt souvent empirique des monteurs de mouche et bien sur des éleveurs de coqs pour la brillance des plumes. Les rouges, oranges, jaunes ou vert-pomme exercent un attrait indéniable chez nos salmonidés. Il serait moins dût aux couleurs elles-mêmes qu'à leurs capacités à réfléchir ou "accrocher" la lumière. Un rouge serait pour la truite particulièrement "lumineux" et “vivant”, et ce même rouge cerclé de noir apparaîtrait bien plus contrasté aux yeux d'une truite ou d'un saumon qu'à nos yeux humains. La réflexion de la lumière leur est révélée plus nettement sur les pourtours de l'artificielle, là ou les rayons lumineux caressent les matériaux qui la composent. Difficile de dire ce qu’une truite peut voir dans un vert-olive, pourtant il exerce sur elle un attrait indéniable, qu’il soit utilisé en nymphe ou en streamer.

Cette utilisation optimum des ultraviolets leur permet de mettre à profit le moindre rayon de lune et de pouvoir « moucher » tard dans la nuit. « Inutile de se lever tôt après les nuits de pleines lunes « elles » ont mangé toute la nuit. » disaient nos anciens.

Plus étonnant, les salmonidés, les canidés et peut être même les cervidés percevraient « en fluo » nos vêtements fraîchement lavés aux détergents avec des additifs « azurrants ». La publicité ne mentirait donc pas lorsqu’elle assure qu’ils ravivent les couleurs. Avec votre nouvelle tenue camouflage fraichement lavée, vous êtes persuadé de ressembler à un guérillero cubain sur le pied de guerre et vous avez toute la discrétion du grand phare d’Alexandrie !

Mais chaque médaille, pour brillante quelle soit, possède son revers. Un moulinet aux chromes étincelants est une hérésie car il agit sur la truite comme le meilleur des épouvantails. Un carbone trop vernis et des anneaux de canne argentés, c’est du pareil au même. Comment ne pas être nostalgique du noir satiné de nos bons vieux Mitchell ? A éviter aussi de jouer au pêcheur "bling-bling" en arborant des badges trop brillants, des ciseaux ou coupe-ongles aux reflets éclatants.

Tous les animaux ne partagent pas cette sensibilité à la réflexion-réfraction des ultra-violets. Les sangliers sont achromatopes, ils ne discernent pas les couleurs ni les tons fluorescents. Les chasseurs les utilisent pour se repérer entre-eux tout en restant discrets au regard de leurs proies. Au Canada, les habits à carreaux rouges et noirs, si caractéristiques, sont obligatoires pour les chasseurs. Très visible pour l'Homme : les animaux et notamment les cervidés ne les distinguent pas de la végétation environnante.

Quand à nous pauvres humains, malgré un spectre de couleurs d'une richesse que tout animal devrait nous envier, nous ne verront jamais le "pourpre” des abeilles. Notre œil sera à jamais incapable de le définir.



Une vision adaptable.

Le saumon du pacifique "Pink salmon" (oncorhynchus gorbusha) possède au début de sa vie dulcicole une haute sensibilité au ultra violets. Le zooplancton se caractérise souvent par une pigmentation qui absorbe les UV. Les alevins peuvent ainsi faire leur choix en reconnaissant la nourriture qu'ils affectionnent. Puis lors de la dévalaison sa vue se transformera, elle perdra sa sensibilité aux UV au profit d'une plus grande sensibilité aux lumières bleues et vertes, celles justement qui, pénètrent les eaux en profondeur. En milieu marin, elle facilitera la chasse de poissons fourrages, de crevettes, tout autant quelle permettra de surveiller les prédateurs.



… et même réadaptable.

Le saumon Sokeye (oncorhynchus nerka), dès les débuts de sa vie maritime, perds, tout comme son cousin Pink salmon, sa faculté de voir les UV, mais il la retrouvera en retournant en eau douce. Peut-être l'aide t'elle à repérer ses congénères et voyager sous la protection du ban? La réflexion des UV sur les écailles agissant comme le fanal rouge d'un wagon de queue ou les lumières balisants un terrain d'atterrissage.

Ce même phénomène a été observé chez la truite arc-en-ciel anadrome (oncorhynchus mykis) et le saumon king (oncorhynchus tshawytscha).

Quel animal merveilleux !



Anecdote :

Il existe au León (Espagne)[sup][3][/sup], pas très loin d’Astorga, quantité de petites retenues d’eau alimentant des micro-centrales. Elles contiennent des truites gigantesques qui déambulent paresseusement en surface après de longues journées trop chaudes. Les moucheurs leurs lancent un minuscule petit tube insubmersible habillé d’un plastique holographique aux reflets multicolores et pourvu d’une petite queue en laine. Attirées par la chute du tube, la truite s’approche lentement,, il faut alors animer ce petit streamer flottant de deux courtes tirées. Les truites d’un ou deux kilos et parfois plus s’y jettent dessus avec la grâce d’un crocodile du Nil. C’est une vrai pêche d’infarctus. Un jour, ma boite de tube-fly ayant trempée trop longtemps dans l’eau, j’eu la bonne idée de la laisser sécher sur le tableau de bord de ma voiture. Il y faisait, au moins cinquante degrés. Au moment de commencer la pêche tous mes tubes, soit à cause de l’eau, soit à cause du soleil ou à la combinaison de deux, avaient perdus toutes leurs couleurs et surtout leurs flashs holographiques. Je pêchais, mais les attaques étaient moins franches, moins violentes et surtout étaient divisées par trois. La plupart des truites ne manifestaient pas le moindre intérêt. Lorsque je rejoignais mes amis de l’autre côté de la retenue, ils avaient fait une excellente pêche. Je me fis céder quelques tubes bien clinquants et refis le même parcours que je venais de terminer. Les attaques se multiplièrent alors que j’attaquais souvent les mêmes poissons qui avaient boudés moins d’une heures auparavant. Je retrouvais enfin ces fameux poissons qui se jètent avec une hargne et une fougue sur votre leurre et, comme vous êtes en surplomb sur de profonds apiques, elles vous plient une canne jusqu'à plonger le scion dans les eaux du lac.

Moralité, les flashs holographiques et très certainement la réfraction des ultraviolets avaient fait toute la différence.




[sup][1][/sup] « Parlons mouche » Tony Burnand ed. Celta pag. 201.


[2] Sources INRA.


[sup][3][/sup] www.pescaninfa.com

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