L'Oeil de la truite
3 participants
Page 1 sur 1
L'Oeil de la truite
Œil de truite
Pendant près de deux mille ans, peut être plus, nous avons poursuivit la truite avec des canne, des soies, des fils, des crins, et des hameçons habillés de toutes les façons, épousant toutes les formes possibles. Pour une seule raison, tromper l’œil de la truite. Mais comment voit-elle ? Là réside, en fait, toute la subtilité de la pêche à la mouche.
L’homme et certains de ses cousins primates possèdent une vue des plus diversifiées du monde animal, mais l’évolution a permis aux salmonidés de développer une manière de voir différente tout aussi riche et complexe.
Alfred Ronalds (1836) de son observatoire au ras de l’eau, a étudié les champs de vision de la truite. Pour la perception des couleurs, il préfère s'abstenir, mais conseille de choisir un matériel de montage se rapprochant des couleurs naturelles. Frédéric Halford (1910) doute que la truite puisse voir les couleurs, par acquis de conscience, il conseille d'imiter celles de l'insecte vivant. Plus près de nous Tony Burnand (1946) écrit : « Je suis convaincu du fait que sous deux lumières différentes, horizontale et dorée au couchant, verticale et blanche à midi, la même mouche apparaît au poisson très différente aussi; question de transparence, de chatoiement, peut être d’ombre portée. Comme nous ne savons pas comment la truite voit notre leurre, il nous est très difficile d’établir des règles, et force nous est de nous en tenir aux tâtonnements et d’exploiter le mieux possible le modèle qui, a telle heure déterminée et sous telle lumière, donne les meilleurs résultats »[sup][1][/sup].
Aujourd’hui, tout porte à croire que les truites voient la plupart des couleurs. Les génies en blouse blanche nous l’affirment du fond de leurs laboratoires. Écoutons-les[2] : La rétine de la truite possède des bâtonnets et des cônes, en cela aucune de différence avec nos propres yeux. Pour ceux qui n’ont pas souvenances de leurs cours de biologie, rappelons que les bâtonnets sont particulièrement sensibles aux contrastes et permettent une vision utilisant un minimum de sources lumineuses. Alors que les cônes permettent de différencier les couleurs. En ce sens la vision de la truite est très proche de celle de l’homme. Seule la disposition de ses cônes et bâtonnets différe de l’homme. Les bâtonnets sont plus nombreux chez la truite et contrairement à vous et moi, ils sont répartis sur toute la surface de l’œil. Chez l'homme les cônes se concentre sur une petite surface de la rétine. La truite voit mieux que nous dans la pénombre, que ce soit dans les profondeurs aquatiques ou pour un coup du soir. Les cônes, aussi, sont répartis sur toute la surface de l’œil de la truite, avec une concentration plus prononcée sur la partie supérieure de la rétine, ce qui lui permet une vision particulièrement précise des objets qui se présentent aux dessus de son nez. Comme pendant le gobage, ne nous étonnons pas si, parfois, un simple petit détail sur notre mouche peut provoquer son acceptation ou son refus.
Elles feraient même la différence entre différents tons. Ce qui n’étonnera pas nos monteurs de mouches qui possèdent, déjà, des fils, perles et dubbing de toutes teintes sur leur table de montage. En revanche, comme beaucoup de poissons, elles ne verraient pas le bleu. Certains y ajoutent le vert, ce qui étonnera quelque peu nos moucheurs. Pour le bleu, il suffit de regarder les boites à mouche des pêcheurs, très peu d’artificielles utilisent cette couleur. Mieux encore, observons la nature : Le martin-pêcheur possède de superbes plumes bleues, c’est d’ailleurs cette couleur qui domine lorsqu’il surgit comme une flèche devant notre nez. Le héron lui, a les pattes bleues car il s’avance lentement près de ses proies pour les surprendre. En revanche le Martinet blanc piétine les herbiers pour effrayer les poissons, les forcer à fuir pour les harponner au passage. Ses pattes sont d’un jaune vif que les poissons perçoivent parfaitement. Deux couleurs pour deux techniques de pêche.
Plus intéressant encore, nos salmonidés sont très sensibles à la réflexion ou réfraction des ultra-violets ce qui explique les réactions d'attaques que suscitent les cuillères, les perles dorées, argentées ou cuivrées ou les fins tinsels qui enjolivent nos mouches. En fait, nos poissons moucheurs percevraient les vibrations lumineuses correspondants aux fréquences de la lumière. Des ondes imperceptibles pour l’homme. Au vu de ces données, nous comprenons mieux l'intérêt souvent empirique des monteurs de mouche et bien sur des éleveurs de coqs pour la brillance des plumes. Les rouges, oranges, jaunes ou vert pomme exercent un attrait indéniable chez nos salmonidés. Il serait moins dû aux couleurs elles-mêmes qu'à leurs capacités à réfléchir ou "accrocher" la lumière. Un rouge serait pour la truite particulièrement "lumineux" et “vivant”, et ce même rouge cerclé de noir apparaîtrait bien plus contrasté aux yeux d'une truite ou d'un saumon qu'à nos yeux humains. La réflexion de la lumière leur est révélée plus nettement sur les pourtours de l'artificielle, là ou les rayons lumineux caressent les matériaux qui la composent. Difficile de dire ce qu’une truite peut voir dans un vert-olive, pourtant il exerce sur elle un attrait indéniable, qu’il soit utilisé en nymphe ou en streamer. Cette utilisation optimum des ultraviolets leur permet de mettre à profit le moindre rayon de lune et de pouvoir « moucher » tard dans la nuit. « Inutile de se lever tôt après les nuits de pleines lunes « elles » ont mangé toute la nuit. » disaient nos anciens.
Plus étonnant, les salmonidés, les canidés et peut être même les cervidés percevraient « en fluo » nos vêtements fraîchement lavés aux détergents avec des additifs « azurrants ». La publicité ne mentirait donc pas lorsqu’elle assure qu’ils ravivent les couleurs. Avec votre nouvelle tenue camouflage fraichement lavée, vous êtes persuadé de ressembler à un guérillero cubain sur le pied de guerre et vous avez toute la discrétion du grand phare d’Alexandrie !
Mais chaque médaille, pour brillante quelle soit, possède son revers, un moulinet aux chromes étincelants est une hérésie car il agit sur la truite comme le meilleur des épouvantails. Un carbone trop vernis et des anneaux de canne argentés, c’est du pareil au même. Comment ne pas être nostalgique du noir satiné de nos bons vieux Mitchell ? A éviter aussi de jouer au pêcheur "bling-bling" en arborant des badges trop brillants, des ciseaux ou coupe-ongles aux reflets éclatants.
Tous les animaux ne partagent pas cette sensibilité à la réflexion-réfraction des ultra-violets. Les sangliers sont achromatopes, ils ne discernent pas les couleurs ni les tons fluorescents. Les chasseurs les utilisent pour se repérer entre-eux tout en restant discrets au regard de leurs proies. Au Canada, les habits à carreaux rouges et noirs, si caractéristiques, sont obligatoires pour les chasseurs. Très visible pour l'homme, les animaux et notamment les cervidés ne les distinguent pas de la végétation environnante.
Quand à nous pauvres humains, malgré un spectre de couleurs d'une richesse que tout animal devrait nous envier, nous ne verront jamais le "pourpre” des abeilles. Notre oeil sera à jamais incapable de le définir.
[sup][1][/sup] « Parlons mouche » Tony Burnand ed. celta pag. 201.
[2] Sources INRA.
Pendant près de deux mille ans, peut être plus, nous avons poursuivit la truite avec des canne, des soies, des fils, des crins, et des hameçons habillés de toutes les façons, épousant toutes les formes possibles. Pour une seule raison, tromper l’œil de la truite. Mais comment voit-elle ? Là réside, en fait, toute la subtilité de la pêche à la mouche.
L’homme et certains de ses cousins primates possèdent une vue des plus diversifiées du monde animal, mais l’évolution a permis aux salmonidés de développer une manière de voir différente tout aussi riche et complexe.
Alfred Ronalds (1836) de son observatoire au ras de l’eau, a étudié les champs de vision de la truite. Pour la perception des couleurs, il préfère s'abstenir, mais conseille de choisir un matériel de montage se rapprochant des couleurs naturelles. Frédéric Halford (1910) doute que la truite puisse voir les couleurs, par acquis de conscience, il conseille d'imiter celles de l'insecte vivant. Plus près de nous Tony Burnand (1946) écrit : « Je suis convaincu du fait que sous deux lumières différentes, horizontale et dorée au couchant, verticale et blanche à midi, la même mouche apparaît au poisson très différente aussi; question de transparence, de chatoiement, peut être d’ombre portée. Comme nous ne savons pas comment la truite voit notre leurre, il nous est très difficile d’établir des règles, et force nous est de nous en tenir aux tâtonnements et d’exploiter le mieux possible le modèle qui, a telle heure déterminée et sous telle lumière, donne les meilleurs résultats »[sup][1][/sup].
Aujourd’hui, tout porte à croire que les truites voient la plupart des couleurs. Les génies en blouse blanche nous l’affirment du fond de leurs laboratoires. Écoutons-les[2] : La rétine de la truite possède des bâtonnets et des cônes, en cela aucune de différence avec nos propres yeux. Pour ceux qui n’ont pas souvenances de leurs cours de biologie, rappelons que les bâtonnets sont particulièrement sensibles aux contrastes et permettent une vision utilisant un minimum de sources lumineuses. Alors que les cônes permettent de différencier les couleurs. En ce sens la vision de la truite est très proche de celle de l’homme. Seule la disposition de ses cônes et bâtonnets différe de l’homme. Les bâtonnets sont plus nombreux chez la truite et contrairement à vous et moi, ils sont répartis sur toute la surface de l’œil. Chez l'homme les cônes se concentre sur une petite surface de la rétine. La truite voit mieux que nous dans la pénombre, que ce soit dans les profondeurs aquatiques ou pour un coup du soir. Les cônes, aussi, sont répartis sur toute la surface de l’œil de la truite, avec une concentration plus prononcée sur la partie supérieure de la rétine, ce qui lui permet une vision particulièrement précise des objets qui se présentent aux dessus de son nez. Comme pendant le gobage, ne nous étonnons pas si, parfois, un simple petit détail sur notre mouche peut provoquer son acceptation ou son refus.
Elles feraient même la différence entre différents tons. Ce qui n’étonnera pas nos monteurs de mouches qui possèdent, déjà, des fils, perles et dubbing de toutes teintes sur leur table de montage. En revanche, comme beaucoup de poissons, elles ne verraient pas le bleu. Certains y ajoutent le vert, ce qui étonnera quelque peu nos moucheurs. Pour le bleu, il suffit de regarder les boites à mouche des pêcheurs, très peu d’artificielles utilisent cette couleur. Mieux encore, observons la nature : Le martin-pêcheur possède de superbes plumes bleues, c’est d’ailleurs cette couleur qui domine lorsqu’il surgit comme une flèche devant notre nez. Le héron lui, a les pattes bleues car il s’avance lentement près de ses proies pour les surprendre. En revanche le Martinet blanc piétine les herbiers pour effrayer les poissons, les forcer à fuir pour les harponner au passage. Ses pattes sont d’un jaune vif que les poissons perçoivent parfaitement. Deux couleurs pour deux techniques de pêche.
Plus intéressant encore, nos salmonidés sont très sensibles à la réflexion ou réfraction des ultra-violets ce qui explique les réactions d'attaques que suscitent les cuillères, les perles dorées, argentées ou cuivrées ou les fins tinsels qui enjolivent nos mouches. En fait, nos poissons moucheurs percevraient les vibrations lumineuses correspondants aux fréquences de la lumière. Des ondes imperceptibles pour l’homme. Au vu de ces données, nous comprenons mieux l'intérêt souvent empirique des monteurs de mouche et bien sur des éleveurs de coqs pour la brillance des plumes. Les rouges, oranges, jaunes ou vert pomme exercent un attrait indéniable chez nos salmonidés. Il serait moins dû aux couleurs elles-mêmes qu'à leurs capacités à réfléchir ou "accrocher" la lumière. Un rouge serait pour la truite particulièrement "lumineux" et “vivant”, et ce même rouge cerclé de noir apparaîtrait bien plus contrasté aux yeux d'une truite ou d'un saumon qu'à nos yeux humains. La réflexion de la lumière leur est révélée plus nettement sur les pourtours de l'artificielle, là ou les rayons lumineux caressent les matériaux qui la composent. Difficile de dire ce qu’une truite peut voir dans un vert-olive, pourtant il exerce sur elle un attrait indéniable, qu’il soit utilisé en nymphe ou en streamer. Cette utilisation optimum des ultraviolets leur permet de mettre à profit le moindre rayon de lune et de pouvoir « moucher » tard dans la nuit. « Inutile de se lever tôt après les nuits de pleines lunes « elles » ont mangé toute la nuit. » disaient nos anciens.
Plus étonnant, les salmonidés, les canidés et peut être même les cervidés percevraient « en fluo » nos vêtements fraîchement lavés aux détergents avec des additifs « azurrants ». La publicité ne mentirait donc pas lorsqu’elle assure qu’ils ravivent les couleurs. Avec votre nouvelle tenue camouflage fraichement lavée, vous êtes persuadé de ressembler à un guérillero cubain sur le pied de guerre et vous avez toute la discrétion du grand phare d’Alexandrie !
Mais chaque médaille, pour brillante quelle soit, possède son revers, un moulinet aux chromes étincelants est une hérésie car il agit sur la truite comme le meilleur des épouvantails. Un carbone trop vernis et des anneaux de canne argentés, c’est du pareil au même. Comment ne pas être nostalgique du noir satiné de nos bons vieux Mitchell ? A éviter aussi de jouer au pêcheur "bling-bling" en arborant des badges trop brillants, des ciseaux ou coupe-ongles aux reflets éclatants.
Tous les animaux ne partagent pas cette sensibilité à la réflexion-réfraction des ultra-violets. Les sangliers sont achromatopes, ils ne discernent pas les couleurs ni les tons fluorescents. Les chasseurs les utilisent pour se repérer entre-eux tout en restant discrets au regard de leurs proies. Au Canada, les habits à carreaux rouges et noirs, si caractéristiques, sont obligatoires pour les chasseurs. Très visible pour l'homme, les animaux et notamment les cervidés ne les distinguent pas de la végétation environnante.
Quand à nous pauvres humains, malgré un spectre de couleurs d'une richesse que tout animal devrait nous envier, nous ne verront jamais le "pourpre” des abeilles. Notre oeil sera à jamais incapable de le définir.
[sup][1][/sup] « Parlons mouche » Tony Burnand ed. celta pag. 201.
[2] Sources INRA.
Invité- Invité
Re: L'Oeil de la truite
Pfffff, quel travail de recherche ! bravo l'artiste . Et chez dame nature, restons discret et respectueux .
gill- Vieux Sage de la grotte
- Messages : 4819
Date d'inscription : 06/04/2008
Age : 76
Localisation : Piquebussargues le haut
Emploi/loisirs : de toutes les couleurs
Re: L'Oeil de la truite
Olé !
Parait que les moulinets Danielsson sont trop brillants pour les yeux de nos chères truites
Bravo, l'Ami !
Christophe
Parait que les moulinets Danielsson sont trop brillants pour les yeux de nos chères truites
Bravo, l'Ami !
Christophe
Invité- Invité
Re: L'Oeil de la truite
ben c est pour cela que le viva est noir
did- Ours mal léché
- Messages : 3966
Date d'inscription : 21/05/2008
Age : 58
Re: L'Oeil de la truite
C'est le meilleur moulinet au monde merci M.Brun !did a écrit:ben c est pour cela que le viva est noir
Même les ricains nous l'envient ils disent tous "yes we can"
Christophe
Invité- Invité
Re: L'Oeil de la truite
moi, c'est " yes week end "
gill- Vieux Sage de la grotte
- Messages : 4819
Date d'inscription : 06/04/2008
Age : 76
Localisation : Piquebussargues le haut
Emploi/loisirs : de toutes les couleurs
Re: L'Oeil de la truite
gill a écrit:Pfffff, quel travail de recherche ! bravo l'artiste . Et chez dame nature, restons discret et respectueux .
manque un truc la tetra ... machin vision, et je prépare la mémoire comme ça ! très interessant la mémoire des truites ! à long terme comme les toros!
Invité- Invité
Re: L'Oeil de la truite
[quote="joan miquel"]
on attend ! on attend !gill a écrit: très interessant la mémoire des truites ! à long terme comme les toros!
Invité- Invité
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|